Les Jeux vidéos et la violence sociale : Fantasme ou réalité ?

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         C’est un thème de société qui est souvent mal traité et instrumentalisé par les politiques et les médias. Dans les nombreuses dénonciations, il y a une part de vérité, mais surtout beaucoup de méconnaissances sur le sujet. Est-ce le jeu vidéo qui va dans la surenchère de la violence, ou bien est-ce un micro phénomène de la culture médiatique ?

          Depuis l’émergence des grosses franchises du jeu vidéo, la violence qu’apportent certains titres font polémique par exemple : Grand Theft Auto, Assassins Creed, ou encore Call of Duty. Cependant, cela a commencé bien avant avec par exemple le célèbre jeu de combat Mortal Kombat a provoqué une vive polémique à l’époque à cause de sa violence. En effet les taux d’hémoglobines versées et les fameuses fatalities en ont choqué plus d’un. Ces critiques allaient de pair avec une contestation de programmes télévisés destinés aux enfants. L’essai de l’actuelle ministre du Développement durable, Ségolène Royal Le ras-le-bol des bébés zappeurs paru en 1989 dénonce la violence et la médiocrité des animes japonais qui poserait problème pour le développement des enfants. En effet, selon elle ces programmes rendraient les enfants violents qui transposeraient celle-ci sur la société. Relayée par des journaux tels que Télérama, cette thèse à contribuée à la suppression du fameux Club Dorothée en 1997.

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        L’autre objet culturel critiqué qui a fait son apparition quasiment en même temps que le jeu vidéo, c’est le jeu de rôle papier. Présenté comme clivant socialement, le jeu de rôle papier est mal vu par la presse et les spécialistes de l’éducation. Il est donc évident que la descendance des jeux de rôle papier sous formats jeux vidéos tels que les RPG (Role Playing Game) n’est guère mieux appréciée. Les raisons invoquées sont identiques à celles faites au jeu de rôle papier : clivage et isolation sociale pour des joueurs qui se renferment sur eux-mêmes. C’est un constat paradoxal pour des jeux qui présentent une dimension sociale et communicative importante. D’autant plus que pour les jeux de rôles, joueurs et Maître du Jeu doivent se retrouver très souvent afin de faire avancer leur jeu. Le célèbre youtubeur français Le Joueur du Grenier, a sorti un jeu de rôle live avec une histoire et un scénario original sous le nom d’Aventures. C’est un projet original ayant pour but de faire découvrir le jeu de rôle aux non-initiés comme aux habitués et une bonne manière d’en apprendre plus sur cette pratique.

La Méconnaissance mène à la tromperie

      Il est important pour tout sujet d’en connaître suffisamment avant de pouvoir en parler, avec des précautions évidemment. C’est ainsi qu’il existe des travaux tels que ceux d’Isabelle Smadja : Le Seigneur des Anneaux ou la tentation du mal (2002), ou toutes sortes de théories selon lesquels Tolkien et son œuvre sont des apologies du nazisme. Théories qui sont démontées point par point par des connaisseurs de l’œuvre du Britannique. Pourtant, la situation avec les jeux vidéos n’est pas si différente.

    L’exemple de Mortal Kombat est un modèle pour tous les jeux d’action intégrant du gore, comme God of War, la violence est extrême voire même trop, à tel point que le joueur ne peut pas y croire, celle-ci est tellement parodique et est tellement dans l’excès qu’elle en devient un produit marketing. Pour preuve, la licence de Mortal Kombat joue sur les attentes de leurs joueurs sur chaque opus en y insérant de nouvelles fatalities et de nouveaux personnages de l’horreur tels que : Kratos de God of War, Le Prédator ou l’Alien des films éponymes. Cela montre que les thèmes de ces jeux vidéo se recoupent, une violence gore dans un monde complètement fictif. Si cette forme de violence choque, ce n’est pas pour autant ces jeux-là qui sont visés.

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      Certains autres jeux sont critiqués pour leur violence idéalisée. C’est le cas de la franchise Assassins Creed, où le jeu propose d’incarner un assassin tuant à tort et à travers des hommes sans en être inquiété. Là encore la méconnaissance des critiques met en avant des failles dans leur raisonnement. Le joueur ne peut pas se permettre de tuer les civils : sinon c’est Game Over. Cependant, dans le cadre des jeux vidéo, beaucoup de raccourcis sont faits, alors que la réalité est beaucoup plus nuancée.

La banalisation de la violence n’est pas exclusive aux jeux vidéo

     Ce qui est reproché aux jeux vidéo, c’est la banalisation de cette violence dans un contexte réel et là, ce sont d’autres franchises qui sont visées : Call of Duty et Grand Theft Auto. Dans Call of Duty : Modern Warfare 2, il y  une mission où le joueur incarne un américain infiltré dans un groupe terroriste russe et doit commettre un attentat contre des civils dans un aéroport. Cette séquence à de quoi choquer beaucoup de monde tout comme peut l’être GTA, qui caricaturalement propose de jouer un gangster capable de tuer n’importe qui dans une ville et d’enfreindre la loi. Ces éléments inciteraient les enfants joueurs à avoir des accès de violence afin de reproduire ce qu’ils ont vu. Ces spécialistes de l’éducation oubliant le rôle des parents à contrôler ce qu’ils achètent à leur progéniture grâce à ces petits logos ci-dessous :

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      Le symbole PEGI (Pan European Games Information) qui est un système de classification pour les jeux vidéo, les DVD et autres formes de médias à l’échelle européenne destinés à contrôler l’accessibilité de ces supports. Il s’agit du même logo qui apparaît au bas de votre écran lorsque vous regardez un programme télévisé. À partir de ce constat, il existe une responsabilité des parents sur leurs enfants. En ce qui concerne les jeunes adultes, c’est une question de rapport à soi ou non : « est-ce que le consommateur devient ce qu’il consomme? ». Si c’est le cas, il y a de quoi s’inquiéter avec la violence qui est proposée sur différents médias : que ce soit en littérature, au cinéma ou sur Internet. Même celle qui est proposée dans l’information et l’actualité qui devient de plus en plus sombre.

        Autre exemple, ce sont les chiffres de ventes des titres incriminés. En 2015, le jeu vidéo Call of Duty : Black Ops 3 a été le plus vendu au monde. Cette information a été annoncée par Activision (producteur du jeu) sur son blog officiel sans aucun chiffre précis. Cela signifie-t-il qu’il y a des millions de terroristes et de criminels en puissance ? Sinon, il existerait des milliers de potentiels footballeurs professionnels grâce aux ventes du jeu Fifa. Certes le groupe État Islamique, dans ses vidéos de propagande utilise certaines images de ce jeu de guerre, mais on ne peut pas tout expliquer par les jeux vidéos. Par exemple, le psychologue Yann Leroux auteur de « Les jeux vidéos, ça rend pas idiot! » déclare au sujet de la tuerie de Newton en 2012 : « Dans les premières heures, les journalistes étaient dépassés et ne savaient pas de quoi ils parlaient, mais on sait d’après plusieurs études qu’il n’y a pas de lien entre les jeux vidéo et le passage à l’acte violent. L’origine d’une telle tragédie est plutôt à chercher du côté de l’idéologie ou des troubles de la personnalité, voire des deux ». Cette citation illustre parfaitement les amalgames effectués par les journalistes et autres critiques du jeux vidéo dans de pareils cas. Ils trouvent l’explication dans un bouc émissaire, au lieu de chercher des explications plus plausibles dans le contexte : la psychologie du criminel ou l’accessibilité des armes aux États-Unis.

      De là à dire que les jeux vidéos ont une fonction cathartique n’est qu’une supposition pas encore définie. Il y a encore peu d’informations plausibles sur les relations entre jeux vidéo et violence, le tout sans qu’il y ait une interférence de la psychologie des joueurs. Avec la mondialisation, les échanges culturels ont été permis à grande échelle. Ainsi, la culture américaine et la culture japonaise ont donc apparu sur les écrans de télévision français avec des programmes, mais aussi l’apport des jeux vidéo. Il suffit de voir le grand nombre de programmes télévisés venant d’autres pays et le succès au box-office français des films américains.

      Ce n’est pas que les jeux vidéo qui sont donc critiqués, mais bien tout un pan de la culture et de la population française qui est pointée du doigt. En attendant, les jeux vidéos et la culture geek en général sont encore et toujours pointés du doigt sans qu’il y ait d’arguments plausibles et vérifiables jusqu’à ce que des études sérieuses prouvent ou non qu’il existe un lien entre jeux vidéos et violence.

Sources

http://www.lemonde.fr/idees/article/2015/12/22/jeux-videos-et-violence_4836479_3232.html

http://xerbias.free.fr/?page=0

http://www.lemonde.fr/pixels/article/2015/12/23/contre-les-prejuges-presenter-l-autre-face-du-jeu-video_4837131_4408996.html?utm_campaign=Echobox&utm_medium=Social&utm_source=Facebook

http://www.jrrvf.com/essais/CR_Smadja.html

http://www.europe1.fr/technologies/call-of-duty-a-ete-le-jeu-video-le-plus-vendu-de-2015-2652443

http://tempsreel.nouvelobs.com/fusillade-de-newtown/20121217.OBS2728/tuerie-de-newton-les-jeux-video-n-ont-rien-a-voir-avec-ce-drame.html

23 réflexions sur “Les Jeux vidéos et la violence sociale : Fantasme ou réalité ?

  1. Alors là, très bon article sur le sujet ! Félicitations. Sincèrement, je pensais en faire sur le sujet, il y a un petit moment. Mais je n’ai pas eu le temps. Mais après le tien, cela ne sert plus à rien : Il ne serait pas aussi bon, c’est sûr ! 🙂

    Je vois qu’on partage les mêmes avis, et c’est bien agréable de voir que la diabolisation du JV par les médias n’atteint pas tout le monde. Bonne continuation. 🙂

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    • Merci beaucoup !
      C’est paradoxal parce que je suis pas encore totalement convaincu par ce que j’ai fait, je trouve qu’il manque encore certains éléments 🙂 Mais je pense que tu peux en faire un aussi au contraire cela apporterait des arguments nouveaux et une autre vision.
      Oui je souhaite pourtant être journaliste, mais je ne comprend pas le bashing autour des jeux vidéos. Et en tant que gamer à mon modeste niveau je ne me reconnaissais pas dans ce que l’on disait dans les médias.
      Merci beaucoup à toi aussi !

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  2. Très bon article et très bonne analyse , je me sens d’autant plus concerné car je suis ou du moins j’ai été pendant longtemps un joueur de JDR/ RPG assidu , je joue aux jeux vidéo depuis tout petit je n’ai pas pour autant vite d’aller dégommer mon voisin à coup de hache en me prenant pour un barbare issu de Warhammer ou de dégommer du zombie parceque je viens de jouer à du shooting de zombie sur mon pc, tablette ou ma console de jeu…. on oublie vite tous les amalgames présents dans notre histoire, on disait une époque que la musique pervertissait la jeunesse et les incitait à la violence, ces étiquettes ont été collés à des musiques tel que le jazz ou le rock’n’roll des années 50 à l’époque d’Elvis. J’ajouterais à ce moment la les livres que certaines villes ou pays trouvent subversifs et trop violents qui détournent la jeunesse et les esprits, je ne parle même pas de la BD qui a eu droit à son approche réduite aux USA et en Europe de vague de censure et de diffusion d’image censurées avant impression qui pourrait nous choquer et pervertir nos têtes blondes ( les enfants) . Tout peut être vecteur à déclencher un acte de haine ou de violence chez quelqu’un qui traverse une période difficile ou passe par une instabilité mentale dû à des expériences personnelles fortes. Les médias aujourd’hui s’engouffrent dans cette analyse rapide et prémachée est diffusée à tous et l’amalgame est grossier.
    Comme vous certainement je me souviens d’avoir parler à des relations ou connaissace « grand public » qui dès que tu leur parle de JDR ou de jeu vidéo ont cette image das la tête comme si tu appartenais à un club sataniste ou un club de reclu , exclu de la vie qui n’est pas normal, les stéréotypes et les clichés ont la vie dure et ce n’est pas fini.
    Bonne analyse et très bon article je me permettrais de le rebloguer ce soir si tu le permets !

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    • Merci beaucoup ! Bien sur reblogue cela fait toujours plaisir de voir son travail apprécié 🙂
      Oui je pense qu’à chaque fois que ce genre de raccourcis est fait beaucoup de joueurs bondissent ! Cette tendance existe depuis toujours en effet j’en avais déjà entendu parler.
      C’est quand même problématique pour moi apprenti journaliste de voir les médias actuels stigmatiser autant par méconnaissance.
      Quand on voit par exemple que le jeu Pokémon est censuré en Arabie Saoudite juste à cause d’un logo c’est dommage.

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      • Quand les gens ont peur et ne comprennent pas ils aiment bien mettre une étiquette afin de catalyser leurs peurs. Je me souviens du shooting à Columbine aux USA, les jeunes jouaient à des FPS , c’était des snipers en puissance, ils écoutaient du Marilyn Manson , c’était donc des adeptes du satanisme … ils lisaient des comics type zombie , ils avaient des idées morbides… bref… c’est impressionnant ce ramassis de raccourcis et d’analyse à 0,02 € pour essayer de comprendre ce qui les a inciter à passer à l’acte et à faire ce qu’ils ont fait… c’est bête et simpliste comme approche. le sujet des pays qui impose des censures sur les médias ce n’est malheureusement pas nouveau … même en France les comics américains (X-Men , Avengers) étaient censurés par rapport aux versions car jugés trop violent sur certaines pages pour les petits français … enfin bref le sujet à de quoi remplir des pages. 😉

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  3. autre point d’argumentation , aujourd’hui j’ai un enfant, et je n’ose le laisser devant la tv tout seul de nos jours car , ce qui se passe sur la tv , sur les chaines d’info en continu n’est qu’un flot de reportages sur la violence la guerre en continu ! C’ est pour moi autant, voir plus traumatisant que tous les arguments énoncés contre les JDR, jeux vidéos etc…

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  5. Wow je suis bouche-bée, quel article, quelle argumentation! J’adore, vraiment! Il est vrai qu’on dénonce souvent le jeu vidéo comme la cause sous-jacente de bien des problèmes sociétaux. Je retiens deux choses dans ton article que tu as clairement mis en relief: les critiques souvent sont injustifiées ou les rétracteurs n’ont pas une connaissance suffisamment approfondie du jeu vidéo. Et puis, je suis d’accord avec toi sur le fait qu’il faut voir plus loin que le bout de son nez. Ton dernier exemple sur les massacres dans les écoles amène à réflexion. Il faut clairement regarder du côté des législations fédérales américaines par exemple, puisque le port de l’arme à feu est autorisé – une vieille tradition qui remonte au far west -, chose que Barack Obama a dernièrement revendiqué d’ailleurs! Mais il faut admettre que la vulgarisation, voire la démocratisation de la violence est un fléau. Pour avoir vécu en Australie, pays où il y a plus de censures qu’on ne le pense, je peux t’assurer que je n’ai jamais vu de gens (de tous âges) aussi jeunes et pacifistes.

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    • Merci beaucoup ! Ca me fait très plaisir 🙂
      C’est vrai que cela me consterne (et je suis pas le seul!) lorsque je vois des raccourcis ou même du mépris fait dans les médias pour les jeux vidéos c’est pour cela que j’ai voulu faire entendre ma voix.
      Je ne savais pas pour la jeunesse australienne ^^ mais il faut croire que c’est dans leur culture.

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  6. Très bien , bizarrement , l violence graphique passe mieux dans le contexte de l ‘ héroic fantasy , je suis un pratiquant de Diablo III et au compteur j ‘ en suis à plus de 663 000 mobs tué … et personne ne cris au scandale .. c ‘est un blog que je vais suivre avec plaisir

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  7. Super article! Il y a effectivement eu beaucoup d’études psychologiques sur le sujet, j’ai eu un cours sur le thème à la fac, le jeu n’est pas la cause de la violence, la plupart du temps il y a une présence latente de troubles psychologiques. Je ne suis pas gameuse mais j’ai trouvé ton article très intéressant!

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